La biodiversité et l’architecte
Travail de recherche de Morgane Briand dans le cadre du Master of Advanced Studies en Architecture et Développement Durable
Travail mentionné par le jury
Ecole : Ecole Polytechnique Fédérale Lausanne (LESO-PB), Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Toulouse (GRECAU), Université Catholique de Louvain-la-Neuve (Architecture et Climat)
Année : 2009
Introduction du travail de recherche :
Face aux crises énergétiques et écologiques successives des années 1960 et 1970, le monde réagit, et se forge une conscience environnementale nouvelle. Des réflexions sont engagées dans de nombreux domaines (industrie, consommation, transport, architecture, etc) et se poursuivent encore aujourd’hui. En architecture, ces réflexions sont essentiellement orientées vers la gestion énergétique des bâtiments. Dès les années 1970, l’émergence des premières réglementations thermiques, les expérimentations de maisons solaires, le développement de matériaux isolants, bouleversent la conception architecturale et les procédés constructifs. Aujourd’hui, les recherches se poursuivent, l’isolation thermique des bâtiments s’améliore d’année en année, les installations techniques sont de plus en plus performantes, et les constructions deviennent même productrices d’énergie. En architecture, les progrès dans le domaine énergétique concentrent donc toutes les attentions, ils ne représentent pourtant qu’une petite partie des préoccupations environnementales actuelles.
Le développement suivant les deux guerres mondiales n’a pas seulement gaspillé les ressources énergétiques de la planète, il a également accru la dégradation environnementale en malmenant les paysages, en détruisant des écosystèmes entiers, et en polluant l’atmosphère, l’eau et les sols. L’érosion de la biodiversité qui s’en suit est de taille : les experts parlent d’une sixième crise d’extinction de la biodiversité, due quasiment exclusivement aux activités humaines. La conférence de l’Organisation des Nations Unies sur l’environnement et le développement à Rio de Janeiro en 1992 marque un tournant dans l’attitude des pays face à cette dégradation progressive ; les ressources biologiques y sont définies comme « capital susceptible de porter des fruits à long terme ». Le développement durable est défini, et représente un nouvel enjeu pour l’aménagement. L’architecture ne peut plus se contenter de ses progrès dans le domaine énergétique. Elle doit être durable, et écologiquement respectueuse. Les rapports entre la construction et son milieu doivent être d’échanges mutuels : la construction doit bénéficier de tous les avantages de son milieu, se protéger de tous ses inconvénients, et, inversement, elle doit faire bénéficier son milieu de ses propres qualités, et le protéger de ses nuisances. Le respect des fonctionnements biologiques, des écosystèmes et le maintien de la biodiversité doivent faire partie intégrante des réflexions pour un meilleur aménagement, et une meilleure architecture. Et pourtant, toute cette facette des préoccupations environnementales est largement ignorée par les courants architecturaux contemporains. Toutefois, pour des exigences en terme de communication, la présence de la nature, et particulièrement celle de la végétation, est très marquée dans nombre de projets urbanistiques et architecturaux. Ce "graphisme vert" vise plus la séduction des hommes qu’une réelle préservation des ressources biologiques. Il s’agit d’une thématique à la mode, susceptible d’attirer l’attention du public et des maîtres d’ouvrage. Partant de la constatation selon laquelle l’homme, et surtout l’homme urbain, veut se rapprocher de la nature, les concepteurs proposent des images de villes entièrement vertes, envahies par la végétation, lors de concours publics ou d’appels à idées. Françoise Fromonot dénonce d’ailleurs ce "coloriage", de plus en plus fréquent sur les planches de rendu de concours, et redoutablement efficace face à un jury. Elle le dénonce car ce ne sont généralement pas les planches les plus vertes qui présentent les projets respectant au mieux les paysages et les fonctionnements écologiques. Mais alors, comment identifier ces projets, ceux qui respectent et soutiennent, à leur échelle, les principes écologiques ? Ce sera tout l’enjeu de ce travail.
Les fonctionnements dont nous parlons rassemblent d’une part les relations entre les êtres vivants et leur environnement et d’autre part les rapports des êtres vivants entre eux. Ces relations sont envisageables à toutes les échelles de l’aménagement, du territoire continental à celui de la parcelle. Le rôle que jouent l’architecture et l’aménagement dans les fonctionnements écologiques ne peut donc se comprendre qu’à travers une transgression d’échelle. La définition du rôle de la biodiversité et des pressions qui s’exercent sur elle à l’échelle mondiale, puis dans un cadre urbain s’avèrent nécessaire avant d’envisager l’échelle de la parcelle. Au niveau de la parcelle, l’étude du rôle de l’architecte dans le maintien ou la restauration de la biodiversité en milieu urbain mènera à la proposition d’une méthode d’évaluation du projet architectural ; l’évaluation écologique de ces projets étant un défi majeur dans l’optique d’un développement durable des cités.
Illustrations :
Aperçu des éléments architecturaux, intégrés ou rapportés, influant sur la biodiversité présente sur une parcelle
Proposition d’une grille d’évaluation des projets architecturaux.
Évaluation sur ce principe de deux projets sur une même parcelle
Description et crédits photographiques des illustrations, de gauche à droite et de haut en bas :
Toiture extensive sur l’Educatorium de l’université d’Utrecht, Pays-Bas © ZinCo ; toiture semi-intensive à Victoria, Australie © Carys Swanwick ; terrasse intensive de l’Hundertwasserhaus de Vienne, Autriche © Hoekgevel ; plantes grimpantes (wisteria) sur immeuble parisien © M.Briand ; poiriers en espaliers sur une ferme normande © Stephen Hayes ; sur l’hôtel de ville de Reykjavik, un mur végétal hydroponique © Sig Holm, flickr ; colonisation végétale sur les murs en pierre sèche, l’un ensoleillé © Idler ; l’autre ombré
© Stone garden company ; exemple de mur de soutènement modulaire © Atalus ; à gauche, gabions colonisés par des grimpantes © Buildingdiy, flickr ; mottes de terre intégrées dans des cavités de mur © Strabane canal volunteer workshop ; palissade tressée façon fascine © Kim Vergil ; gîtes pour chauve-souris dans une construction urbaine moderne © dessin de Jean-François Noblet ; pigeonnier de la maison de la Devinière © Guillaume Cingal, flickr ; nichoir à insectes pour abeilles solitaires © Biosphoto, Mark Boulton ; nichoirs à martinets noirs sous le débord de toiture d’une maison suisse © ASPO-Birdlife Suisse ; représentations de divers matériaux de façade.